Autonomiser les femmes dans les STIM : exemple de programme de mentorat de Paris-Saclay

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By: undefined, Tue Oct 1 2024

Dans l’effort continu pour améliorer la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) au sein de la communauté scientifique, les actions qui soutiennent les groupes sous-représentés sont de plus en plus cruciales. Éditeur international, Springer Nature promeut activement les contributions des femmes à la science à travers diverses initiatives telles que le Sony Women in Technology Award, les Inspiring Women in Science Awards en collaboration avec Estée Lauder, et les Nature Awards for Mentoring in Science. Dans la continuité de ces initiatives, une table ronde sur les meilleures pratiques dans la recherche en matière d’éthique, diversité, équité et inclusion a été organisée au mois de mars cette année à Paris pendant la cérémonie des Nature Awards for Mentoring in Science 2023. Gwenaëlle André y a participé et a présenté le programme de mentorat pour les doctorantes à l’Université de Paris-Saclay.

Dans cet entretien, Gwenaëlle André et Géraldine Liot reviennent sur ce programme qui vise à autonomiser les jeunes femmes dans les STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) en s’attaquant aux défis systémiques et en favorisant leur développement personnel et professionnel grâce au mentorat. Elles nous expliquent d’où est venue l'inspiration pour monter ce programme qu’aujourd’hui elles co-pilotent et quel est son impact sur l’éthique de la recherche. Elles explorent aussi les meilleures pratiques pour renforcer la diversité dans le milieu académique.


Qu'est-ce qui vous a inspiré à développer et co-piloter le programme de mentorat pour les doctorantes à l'Université Paris-Saclay, notamment en ce qui concerne la promotion de l'éthique et de la diversité dans la communauté scientifique ?

GA: Le programme de mentorat, monté en 2018 par Marina Kvaskoff et Sylvaine Turck-Chièze de l'association Femmes et Sciences, inspiré des modèles américains, a rapidement répondu au besoin crucial d'accompagnement pour les jeunes femmes scientifiques. Dans des disciplines comme la physique et l'informatique, les doctorantes sont souvent les seules femmes dans une équipe d'hommes, et dans des disciplines comme la biologie, il existe encore le plafond de verre. Ce programme donne accès à un "safe space" où les jeunes femmes ont des modèles féminins et réalisent qu'une carrière est réellement possible. L'idée n'est pas de cliver les scientifiques (hommes vs femmes), mais de permettre aux jeunes femmes de déconstruire leurs croyances limitantes pour s'affirmer dans le monde scientifique.

GL: La plupart des mentor.es du programme sont motivées par leur propre expérience. C’est-à-dire qu’avoir eu un.e mentor.e qui vous a aidée pendant votre carrière vous pousse à vouloir faire la même chose pour les plus jeunes. De même que ne pas avoir eu la chance d’avoir un.e mentor.e à ses côtés et donc ressentir ce manque motive à devenir mentor.e pour la nouvelle génération de jeunes femmes scientifiques.


Pouvez-vous partager quelques bonnes pratiques en recherche qui favorisent l'éthique, la diversité, l'équité et l'inclusion, et qui, selon vous, devraient être largement adoptées dans la communauté scientifique ?

GL: Le développement de structures de « qualité de vie au travail » et/ou « d’écoute des employés », ainsi que de programmes de mentorat dans les laboratoires de recherche et au sein des universités, aide beaucoup les étudiant.es et employé.es à se sentir mieux soutenu.es et à s’exprimer. Sur l’exemple des programmes de mentorat développés, notamment avec l’association Femmes et Sciences, de nouveaux programmes de mentorat ciblant des instituts ou domaines spécifiques ont été créés, favorisant l’inclusion, la diversité et l’équité, notamment pour les personnes sous-représentées comme les étranger.es ou les femmes dans les domaines de sciences dures qui sont très masculins.

GA: Eduquer tous les scientifiques à accueillir la diversité aidera à l'inclusion. La parité dans les instances évaluatrices est essentielle, mais ne doit jamais être une variable d'ajustement ni une vitrine d'équité. Le concours CRCN (chargé.e de recherche de classe normale) qui permet d'enlever un an par naissance d'enfant sur l'évaluation d'un parcours de femme scientifique est un exemple concret de cette prise en compte. Certains instituts proposent un budget de retour de congé maternité, une excellente idée qui devrait être élargie à tous les instituts. Une réflexion urgente est nécessaire sur ce qui doit être assuré (publications, sécurisation des données), maintenu (dépôt de projets) ou redistribué (encadrement d’étudiants) pendant un congé maternité, car l'éthique en la matière est inexistante.


Comment le programme de mentorat répond-il spécifiquement aux défis auxquels les doctorantes sont confrontées pour atteindre l'équité et l'inclusion dans la communauté scientifique ?

GL: Notre programme, destiné aux jeunes femmes en début de carrière, leur offre le soutien et l’inspiration. Il leur montre, à travers des mentores expérimentées, qu'elles aussi peuvent réussir dans des domaines scientifiques traditionnellement masculins. Ces mentorées deviendront à leur tour des modèles, promouvant l'équité et l'inclusion dans la communauté scientifique.

GA: Le programme propose un vivier de femmes scientifiques-modèles, élargissant les perspectives et favorisant l'inclusion. Il connecte les jeunes femmes à une communauté internationale de mentor.es, exemplifiant la richesse des carrières et des opportunités pour se libérer de l'étiquette "minorité". Il leur permet de réaliser qu'elles partagent des préoccupations similaires, et surtout la même ambition de garder la science au cœur de leur vie professionnelle. Cela promeut l'équité et empêche la reproduction de schéma inconscient et socialement accepté que la femme scientifique doit renoncer à la maternité et devenir une personne dure pour réussir. Depuis 5 ans, notre programme compte près de 50% de jeunes femmes scientifiques d'Europe, d'Asie, d'Afrique et des Amériques, ce quicrée une communauté internationale et un réseau où elles se livrent, s'épaulent, et s'affirment.


À votre avis, quel rôle joue l'industrie de l'édition dans la promotion de la diversité, de l'équité et de l'inclusion dans la recherche scientifique, et comment votre programme de mentorat cherche-t-il à influencer cela ?

GA: Le secteur de l’édition a un rôle primordial à jouer, en donnant la parole à des scientifiques modèles, montrant qu’on peut être un.e excellent.e scientifique sans avoir ni à négocier son intégrité personnelle, ni à renoncer à ses rêves de famille ou de salaire décent. Il est essentiel de publier sur des sujets comme le coût mental d'une carrière STEM, lourd à payer pour des femmes de couleur (doi: https://doi.org/10.1038/d41586-024-00324-0), et la maternité (doi: https://doi.org/10.1038/d41586-024-00239-w), la misogynie, etc. Aussi, diminuer les coûts d'édition pour les personnes qui publient depuis des pays moins développés représente une avancée significative en matière d'équité et d'inclusion. Enfin promouvoir que deux ou trois auteur.es puissent être des auteurs co-correspondants, ou des co-derniers auteurs est nécessaire. En France, l'évaluation des chercheurs académiques se base sur leur place dans les publications dites "en rang utile” ou PDC (Premier, Dernier, Correspondant), rendant les autres contributions invisibles. Permettre une visibilité des contributions amorcerait un cercle vertueux et diminuerait la tension des places d'autorat.

GL: Les éditeurs publient de plus en plus d’articles sur l’égalité, la diversité et l’inclusion ainsi que sur les conditions de travail des étudiant.es en thèse et des post-docs. Cela aide les thésard.es à mieux comprendre les défis de la recherche académique afin de prendre des décisions pour leur avenir professionnel en toute connaissance de cause. Nous sommes particulièrement sensibles à cette question et alimentons très régulièrement notre outil principal de communication, padlet, avec ces articles.


Quels conseils donneriez-vous à d'autres universités et institutions souhaitant mettre en place des programmes de mentorat visant à promouvoir la diversité, l'équité et l'inclusion dans la communauté scientifique et le secteur de l'édition ?

GL: Nous leur conseillerions d’essayer d’obtenir un fort soutien de leur université ou institution, avec des moyens financiers et humains, pour que leur programme soit riche en actions et évènements et le plus profitable possible aux étudiant.es/employé.es. Cela permettra de créer plusieurs programmes de mentorat adressés à divers publics car les besoins se manifestent maintenant au niveau des étudiant.es en master, étudiant.es en thèse mais également des jeunes chercheurs.euses nouvellement recruté.es.

GA:  Être soutenue par des éditeurs prestigieux qui publient des portraits de scientifiques inspirants, de femmes, de personnes issues de minorité, serait vitalisant. Organiser des tables rondes entre éditeurs et scientifiques dans des congrès, faire discuter les grands penseurs sur ces thèmes d'inclusion et d'équité, reporter des interviews de modestes scientifiques (comme moi) peuvent illustrer les possibilités et renforcer les belles valeurs que porte la science.

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